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Si les vieux arbres « se souviennent » de l’abondance de l’eau, les jeunes pousses à la mémoire courte semblent plus aptes à la survie dans un monde plus sec

Selon une expérience inusitée menée dans une forêt de recherche suisse, les arbres qui ont reçu beaucoup d’eau réagissent plus fortement à la sécheresse.

Par Warren Cornwall (Opens in a new window)

Une vie de luxe n’est probablement pas la meilleure façon de se préparer aux difficultés. Des ampoules risquent de se former dans des mains douces et manucurées après une journée à couper du bois.

Et il en va apparemment de même pour certains arbres. En effet, selon une nouvelle étude (Opens in a new window) publiée dans l’American Journal of Botany, une vie d’abondance en eau peut leur être délétère en cas de sécheresse, faiblesse qu’ils peuvent conserver pendant des années.

Ces résultats mettent en évidence les difficultés auxquelles sont confrontées les forêts dont bon nombre d’arbres ont atteint la maturité à une époque d’abondance relative en eau. Mais ils donnent également à penser que les jeunes arbres qui ont germé dans un monde de sécheresses plus longues et plus intenses s’en sortent nettement mieux.

« Les jeunes arbres d’aujourd’hui pourraient être plus aptes à la survie dans un monde chroniquement sec, ce qui constitue à nos yeux un motif d’optimisme », affirment des membres de l’équipe qui a mené cette recherche dans un article paru récemment (Opens in a new window) dans The Conversation.

Cette découverte est le fruit d’une expérience inhabituelle menée dans une forêt de recherche suisse. En 2003, des scientifiques ont commencé à donner à certains pins sylvestres centenaires de la forêt de Pfynwald, située dans la vallée pittoresque du Rhône, le double de la quantité d’eau reçue naturellement de la pluie, soit l’équivalent de 60 centimètres de pluie supplémentaires chaque année. Dix ans plus tard, la moitié de ces arbres irrigués ont été contraints de recommencer à survivre grâce à l’eau fournie uniquement par la nature.

En 2022, les scientifiques ont récolté des feuilles et des rameaux nouvellement formés au sommet de 30 arbres différents et les ont transportés rapidement dans un laboratoire doté d’un microscope à rayons X à grande puissance. Ils ont examiné les structures internes de ces échantillons de tissu végétal fraîchement cueillis pour voir comment elles différaient selon le régime d’arrosage.

Il s’est avéré que les feuilles des arbres autrefois irrigués avaient conservé une « mémoire » de leurs années passées d’abondance en eau. Bien que l’approvisionnement supplémentaire en eau ait été interrompu pendant sept ans, la physiologie des feuilles était différente de celle des arbres encore irrigués, et de celle des arbres qui avaient toujours survécu grâce à la pluie seulement.

Contrairement aux feuilles des arbres irrigués, ces arbres étaient passés en mode de survie et produisaient de petites feuilles avec des cellules adaptées pour résister aux insectes et stocker des réserves d’eau, plutôt que de donner la priorité à la photosynthèse. Mais leur réponse physiologique à la sécheresse induite était encore plus intense que celle des arbres alimentés par la pluie.

« Comparées à celles des arbres qui n’avaient jamais été irrigués, écrit l’équipe de recherche, ces feuilles donnaient l’impression qu’elles se trouvaient en pleine sécheresse du siècle. »

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Or, bien que cette réaction puisse être avantageuse durant une intense sécheresse, elle peut s’avérer excessive si la plante doit continuer à croître et à prospérer dans un environnement plus sec. Cela signifie que les arbres habitués à une abondance d’eau pourraient ne pas être en mesure de s’adapter à des conditions de sécheresse chronique aussi bien que ceux qui ont toujours connu une pénurie relative.

Ce qui est moins clair, c’est la durée de la « mémoire » des feuilles. Les scientifiques ont constaté que, contrairement aux feuilles, les rameaux des arbres précédemment irrigués montraient des signes de transformation, commençant à ressembler aux rameaux des arbres qui n’avaient jamais reçu d’eau supplémentaire. Cela donne à penser qu’au moins certaines parties de l’arbre sont susceptibles de s’adapter plus facilement à de nouvelles conditions.

Si, pour ces arbres centenaires, l’hypersensibilité à la perte d’eau est devenue permanente, leur survie à long terme pourrait s’en trouver menacée. « Certains événements dévastateurs de mortalité des arbres à l’échelle mondiale pourraient être attribuables en partie aux effets hérités d’une abondance d’eau passée », prévient l’équipe de recherche.

Cela pourrait également signifier que si les jeunes arbres parviennent à survivre à toutes les autres agressions d’un monde plus chaud – plus propice à des incendies de forêt importants, par exemple –, ils pourraient parvenir à l’âge adulte mieux adaptés. « Cela constitue une lueur d’espoir pour la pérennité des forêts du futur », avancent les scientifiques dans leur article.

L’idée qu’une période de « souffrance » puisse renforcer les plantes pour l’avenir ne se limite pas aux arbres. Les scientifiques ont trouvé des preuves (Opens in a new window) que des cultures comme le maïs et le soja pouvaient « se souvenir » d’une sécheresse passée, ce qui les préparait mieux aux suivantes.

Or, les prévisions optimistes de ces scientifiques spécialistes des arbres soulèvent des questions. En effet, selon d’autres recherches (Opens in a new window) utilisant une banque de données sur les cernes de plus de 20 000 arbres, les arbres grands et âgés supportent mieux les sécheresses que les plus jeunes.

Nous devrons peut-être attendre un certain temps avant de savoir précisément de quoi sera fait l’avenir de la forêt – en présumant que d’autres pressions ne rendront pas cette question caduque.

Chin et coll. « The memory of past water abundance shapes trees 7 years later ». American Journal of Botany. 23 décembre 2024.

Article original en anglais : https://www.anthropocenemagazine.org/2025/01/old-trees-remember-plentiful-water-youth-with-less-memory-might-survive-a-drier-world/ (Opens in a new window)

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Anthropocène est la version française d’Anthropocene Magazine (Opens in a new window). La traduction française des articles est réalisée par le Service de traduction de l’Université Concordia (Opens in a new window), la Durabilité à l’Ère Numérique (Opens in a new window) et le pôle canadien de Future Earth (Opens in a new window).

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