Un nouvel article clôt un débat vieux de cinquante ans sur les moyens de préserver la biodiversité dans les milieux naturels
En fait de biodiversité, mieux vaut une grande forêt ininterrompue que de nombreux petits fragments.
Par Warren Cornwall (Opens in a new window)

Diviser une forêt en plus petites parcelles risque de nuire à la biodiversité. En effet, ce morcellement est susceptible d’isoler les animaux, les empêchant ainsi de se reproduire en nombre suffisant pour trouver un partenaire, préserver la diversité génétique ou résister aux catastrophes telles qu’une sécheresse.
Mais depuis des années, des scientifiques affirment (Opens in a new window) qu’il peut être bénéfique pour la biodiversité de diviser un espace en petits morceaux. Après tout, les îles naturelles des océans abritent de nombreuses espèces uniques, car les populations isolées y connaissent des évolutions différentes. Les Galapagos en sont un exemple emblématique.
L’issue du débat va bien au-delà de la théorie. Si les écologistes veulent remédier à la crise de la biodiversité, causée en grande partie par la destruction des habitats, quelle est la meilleure approche : protéger de vastes étendues de terre contiguës ou fragmentées?
Une nouvelle étude publiée dans Nature (Opens in a new window) apporte une réponse qui pourrait bien trancher le débat : « La fragmentation n’est pas une bonne chose, déclare Nate Sanders (Opens in a new window), écologiste à l’Université du Michigan et coauteur de l’étude. Cet article montre clairement que la fragmentation a des effets négatifs sur la biodiversité à toutes les échelles. » Ce débat de longue date s’explique en partie par l’utilisation de différentes mesures de la biodiversité. On peut les comparer à différents niveaux de grossissement : le nombre d’espèces différentes présentes dans une seule parcelle de forêt (diversité alpha); le nombre d’espèces en comparant une parcelle à une autre (diversité bêta); et le nombre d’espèces dans l’ensemble d’un paysage, qu’il s’agisse d’une grande parcelle de forêt continue, par exemple, ou de nombreuses « îles » forestières situées dans la même zone (diversité gamma).
S’il est largement admis que la fragmentation peut réduire le nombre d’espèces dans une même parcelle (alpha), il est possible que les différences entre les espèces présentes dans chaque parcelle contribuent à l’accroissement de la biodiversité dans un paysage fragmenté par rapport à un paysage continu.
« Le principal argument des personnes qui affirment que la fragmentation n’est pas si grave est que, comme les habitats sont isolés, la composition des espèces est différente, ce qui est une bonne chose à grande échelle », explique Thiago Gonçalves-Souza (Opens in a new window), auteur principal et chercheur postdoctoral à l’Université du Michigan. « Si les espèces sont différentes, on peut supposer que la diversité gamma sera plus élevée. »
Pour confirmer la validité de cette hypothèse sur le terrain, un groupe de 28 scientifiques d’Europe, d’Amérique du Sud, d’Amérique centrale et d’Australie a rassemblé les données de 37 études sur la biodiversité menées sur 6 continents et portant sur plus de 4 000 espèces. Ces données leur ont permis de comparer le nombre et les types d’espèces présentes sur de vastes étendues de terre (entre 1 000 et 300 000 hectares) avec les mêmes données provenant d’un ensemble de fragments plus petits d’écosystèmes semblables situés à proximité.
À l’échelle générale du paysage, les scientifiques ont constaté que les zones fragmentées abritaient en moyenne 12 % d’espèces en moins que les zones contiguës, avec un déficit allant de 10,7 % à 18 %. Ce déficit restait important même en tenant compte des différences de superficie de l’habitat.
Cette perte de biodiversité était similaire à celle due à la fragmentation à l’échelle alpha (niveau des parcelles individuelles). Même à l’échelle intermédiaire, les scientifiques ont constaté que l’avantage présumé des îles en matière de biodiversité disparaissait lorsque l’on tenait compte de la distance séparant les morceaux de terre. Lorsque les scientifiques ont compté les espèces, les sites d’échantillonnage étaient, en moyenne, 22 % plus éloignés dans les fragments que dans une forêt continue, ce qui augmentait leurs chances de trouver des organismes différents.
« Cet article clôt un débat vieux de cinquante ans sur les moyens de préserver la biodiversité dans les milieux naturels, un débat lancé par des scientifiques de renom tels qu’E.O. Wilson et Jared Diamond », déclare Nick Haddad (Opens in a new window), coauteur et chercheur à l’Université d’État du Michigan.
Faut-il pour autant laisser de côté les petits fragments? Pas nécessairement, estime M. Gonçalves-Souza. « Dans beaucoup de pays, il ne reste que peu de grandes forêts intactes. Nous devons donc nous concentrer sur la plantation de nouvelles forêts et la restauration des habitats de plus en plus dégradés. (Opens in a new window) La restauration est cruciale pour l’avenir, bien plus que le débat sur les avantages respectifs d’une grande forêt ou de nombreux petits fragments. »
Gonçalves-Souza, et coll., « Species turnover does not rescue biodiversity in fragmented landscapes », Nature, 12 mars 2025.
Article original en anglais : https://www.anthropocenemagazine.org/2025/03/new-paper-resolves-a-half-century-old-debate-about-how-to-conserve-biodiversity-in-natural-areas/ (Opens in a new window)
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Anthropocène est la version française d’Anthropocene Magazine (Opens in a new window). La traduction française des articles est réalisée par le Service de traduction de l’Université Concordia (Opens in a new window), la Durabilité à l’Ère Numérique (Opens in a new window) et le pôle canadien de Future Earth (Opens in a new window).