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Évolution par sélection… automobile

Des scientifiques des Galápagos ont découvert que les parulines jaunes vivant près de la circulation automobile manifestent la version aviaire de la « rage au volant ».

Par Warren Cornwall (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre)

Les îles Galápagos sont depuis longtemps une parfaite illustration de l’adaptation des plantes et des animaux à leur environnement.

La ménagerie d’espèces inhabituelles qui peuplent ces affleurements volcaniques au large des côtes de l’Équateur a joué un rôle central dans la découverte de Charles Darwin sur la formation des espèces : l’évolution par sélection naturelle. Les plus célèbres représentants de l’archipel sont la pléthore de pinsons dont le bec est conçu pour récolter différents types de graines.

Or, une nouvelle force est à l’œuvre sur ces îles isolées, et certains signes indiquent que les espèces évoluent pour s’y adapter, comme elles le feraient en présence de facteurs naturels tels que les précipitations. Cette force, ce sont les humains ou, plus précisément, les humains qui conduisent des voitures.

Contrairement aux légendaires pinsons, cette découverte concerne la paruline jaune des Galápagos (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre), un petit oiseau chanteur qui pèse à peine plus d’un quart de gramme. Cet oiseau omniprésent semble modifier à la fois son chant et son comportement selon qu’il vit à côté d’une route ou non, ont rapporté ce mois-ci (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) des scientifiques dans la revue Animal Behavior.

Ces nouveaux travaux « mettent en évidence les effets considérables des activités humaines sur le comportement des animaux sauvages, même dans des endroits relativement isolés comme les îles Galápagos », indique Caglar Akcay, écologiste comportementaliste à l’Université Anglia Ruskin, au Royaume-Uni, qui a participé à l’étude.

On sait que les intrusions humaines dans le monde naturel modifient le comportement des animaux de toutes sortes de manières, qu’il s’agisse des pumas qui dévient leurs mouvements pour éviter les lumières vives (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) ou des animaux qui sont moins craintifs (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) face aux prédateurs.

Dans le cas des oiseaux chanteurs, qui dépendent du son pour accomplir toutes sortes de choses, qu’il s’agisse de trouver un partenaire ou d’effrayer des rivaux, la cacophonie du monde moderne est un facteur majeur. On a constaté, par exemple, que les oiseaux des zones urbaines émettent des chants plus aigus (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre).

Caglar Akcay et plusieurs autres scientifiques ont voulu savoir si la circulation routière sur les îles avait des effets notables sur les oiseaux chanteurs. Bien que beaucoup moins fréquentées qu’une grande ville, certaines îles ont connu une augmentation de l’activité humaine. À preuve, entre 1980 et 2013, le nombre de véhicules sur l’île la plus peuplée de l’archipel, Santa Cruz, est passé de 23 à 1 326.

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Pour déterminer si cela avait modifié le comportement de la paruline jaune, les scientifiques ont mis au point une expérience. Ils ont enregistré les bruits de véhicules circulant sur une route, puis les chants des parulines jaunes. Ils ont ensuite emporté ces enregistrements sur l’île Santa Cruz et sur l’île Floreana, beaucoup moins peuplée. Dans 38 endroits où des parulines jaunes avaient été repérées, ils ont installé de petits haut-parleurs et ont diffusé uniquement le chant des oiseaux un jour, puis le chant et les bruits de voitures un autre jour. Ils ont ensuite observé et écouté les réactions des habitants à plumes.

Dans presque tous les cas, une paruline mâle a répondu à la provocation. Cependant, les oiseaux réagissaient différemment selon la proximité de la route et ce qu’ils entendaient.

Les oiseaux qui vivaient à moins de 50 mètres d’une route sont devenus plus agressifs que d’habitude lorsque les bruits de la circulation étaient joués avec les chants, s’approchant plus près du haut-parleur ou voltigeant plus souvent devant lui. En revanche, les oiseaux qui vivaient plus loin d’une route sont devenus plus calmes lorsque les chants étaient accompagnés de bruits de circulation.

« Les oiseaux utilisent le chant comme signal agressif pour défendre leur territoire, explique Caglar Akcay. Si un bruit extérieur, comme la circulation, interfère avec leur signal, bloquant ainsi ce canal de communication, ils peuvent répondre par une agression physique. »

Le changement de comportement pourrait avoir de l’importance pour les oiseaux. Le chant est un moyen relativement peu contraignant de se livrer à un duel, tandis que les affrontements physiques augmentent le risque de blessures.

Il ne semble pas falloir beaucoup de circulation pour déclencher cette réaction. La réponse plus affirmée des oiseaux vivant près des routes était évidente même sur l’île Floreana, où il y a moins d’une douzaine de véhicules et une centaine d’habitants.

Certains éléments laissent à penser que la densité de population plus élevée sur l’île Santa Cruz pourrait avoir modifié le comportement des oiseaux en matière de chant. En effet, les oiseaux de cette île avaient tendance à chanter plus longtemps lorsque le bruit de la circulation était diffusé. En raison de leur plus grande exposition à la circulation, les oiseaux ont peut-être appris à prolonger leur chant pour augmenter leurs chances d’être entendus malgré le vacarme.

Appelez cela l’évolution... par sélection automobile.

Hohl et coll., « Galápagos yellow warblers differ in behavioural plasticity in response to traffic noise depending on proximity to road », Animal Behavior, 20 mars 2025.

Article original en anglais : https://www.anthropocenemagazine.org/2025/04/evolution-by-automotive-selection/ (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre)

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Anthropocène est la version française d’Anthropocene Magazine (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre). La traduction française des articles est réalisée par le Service de traduction de l’Université Concordia (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre), la Durabilité à l’Ère Numérique (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) et le pôle canadien de Future Earth (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre).